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lundi 26 avril 2010

Brouillard

Je me suis perdue dans un brouillard irréel. Ma mère m'avait prévenue, pourtant. Petite, j'ai essayé de comprendre ce qu'elle voulait me dire. Ses bras s'agitaient, ses yeux s'agrandissaient, animés d'une lueur insensée. Elle partait dans de longs développements logiques et rationnels, l'enfant que j'étais la regardais, fascinée par l'éclat qui l'animait tout en sentant monter la culpabilité de ne pas la comprendre alors qu'elle discourait et que je percevais la peur l'envahir alors que je continuais de ne rien saisir. Et elle me sermonnait tantôt gentiment, prenant le temps de m'expliquer en d'autres mots ce qu'elle voulait me transmettre, tantôt violemment, me renvoyant une frayeur que j'ai conservée intacte au fond de moi. J'étais peinée de ne pas pouvoir atteindre ce stade d'éveil à la sagesse qu'elle tentait de faire passer, mais j'observais ses gestes et ses raisonnements de trop loin pour pouvoir les comprendre. Plus que le message, que cette vérité qu'elle éructait et dont je ne parvenais pas à extraire le sens, j'ai gardé en moi cette terreur sourde qu'elle transpirait, je le sens à présent plus que jamais. Quand j'y réfléchis, je me demande pourquoi je suis à ce point restée hermétique à ce savoir qu'elle essayait de m'inculquer, comme si ces connaissances m'étaient interdites...
Et aujourd'hui, au milieu de cette poisse infernale, je voudrais me rappeler des mots qu'elle a prononcés. Les comprendrais-je seulement ? Des images viennent frapper mes tempes, me remettre face à mes faiblesses. A genoux, suffocante, je maudis mon incapacité à comprendre les concepts de base qu'elle a si longtemps voulu me faire connaître. Je me retrouve embourbée dans cette région de non-retour, perdue dans le vague, souffrant d'une langueur que rien ne fait tarir.
Je veux retrouver ces paroles d'autrefois, mais le monde autour de moi a changé, mes pas forment un dessin différent. Je sais au fond de moi que mon corps a mué, cet environnement ne laisse personne indemne. Mon esprit a-t-il été corrompu de la même manière ?
Récemment, j'observais ce corps étrange qu'est le mien à présent et je me demandais si elle me reconnaîtrait, si elle accepterait de me ré-expliquer ses discours d'alors. Encore faudrait-il que je retrouve le chemin de ce monde-là. Mais pourquoi chercher des réponses à des questions qui n'en trouveront jamais ?

Je vais arrêter de me torturer ce qu'il me reste d'esprit et me concentrer sur le quotidien. Je dois chercher de quoi manger aujourd'hui, et le vent qui souffle du marais n'annonce pas une chasse facile, les créatures du lac seront de sortie elles aussi. Le sang va couler.

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